Ebauche de note d'intention pour "La Tumultueuse création du Japon" - Adaptation théâtrale humoristique des mythes des Kojiki et Nihonshoki.
(Sylvain Kodama - Juin 2012)
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Toutes les cultures ont élaboré un ensemble de croyances religieuses qui expliquent la création du monde. Le Japon des temps anciens possédait vraisemblablement un vaste ensemble chaotique de mythes qui variait de régions en régions, de clans en clans, mais au XVIIIe siècle, afin de mieux assoir et légitimer son régime, un empereur décida de compiler et de coucher par écrits ces mythes. Ces textes, le Kojiki et le Nihonshoki sont parmi les plus anciens documents écrits qui sont venus jusqu’à nous.
Il n’y a guère de doutes que cette histoire de la création du monde par des divinités en tout genre a été adaptée à des fins politiques. Notamment, il fallait d’une façon ou d’une autre rattacher la lignée impériale, qui alors s’imposait dans la difficulté sur les autres clans, aux divinités créatrices du Japon et de l’univers. On sait plus tard que ce rattachement servira de nouvelles idéologies nationalistes, lorsqu’il s’agira de constituer un État-Nation moderne autour de l’Empereur et de se positionner vis-à-vis des puissances occidentales (voir article « le Kojiki et le nationalisme au Japon »).
Ces textes forment donc une vue subjective, parcellaire d’un plus vaste ensemble mythologique. Le fait que de larges parties sont irrémédiablement perdues dans les limbes de l’Histoire est sans aucun doute bien frustrant pour l’historien et le spécialiste en études religieuses, mais pour ce qui nous concerne, le peu qui a été sauvé de l’oubli forme un matériau théâtral de premier choix.
Plus linéaire que la mythologie gréco-romaine qui a moins subi ce traitement politique, il comporte une trame en plusieurs générations qui jette les bases d’une dramaturgie : les créateurs primordiaux Izanagi, Izanami ; le « couple » organisateur Susanoo/Amaterasu ; puis les divinités plus proches du monde des humains Sarutahiko, Okuninushi.
La mythologie japonaise continue alors en passant de l’âge des divinités à l’âge des humains : les Empereurs étant d’essence divine, il y a d’une certaine façon continuité. Mais nous choisissons de nous arrêter à la descente du petit-fils de la déesse du soleil, Amaterasu, dans le monde des Humains.
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Malgré la présence de cette trame que l’on peut suivre pour construire un récit théâtral, l’adaptation d’une cosmogonie dans laquelle une multitude de divinités intervient oblige à élaguer, à simplifier et à faire des choix.
Dans le même temps se pose la question de la réceptivité d’un tel texte pour un public francophone pas nécessairement aux faits de la culture ancienne japonaise. Certains raccourcis, qui auraient été possibles pour une adaptation japonaise, ne peuvent plus fonctionner. Pis, il est parfois nécessaire d’expliquer au-delà même du texte afin d’en transmettre le sens.
Nous avons choisi de tenter le grand écart en suivant le sens du texte au plus près tout en en facilitant l’accès à un public non spécialiste. L’écriture a nécessité un important travail bibliographique sur les études historiographiques de ces anciens écrits afin de pouvoir, justement, extraire le sens profond (religieux, sociologique, ethnologique…) sans devoir coller à la forme et au matériau textuel qui parfois flirte avec une grivoiserie proche de celle d’un Roman de Renart, par exemple. (voire bibliographie).
Afin de rendre la chose possible et, surtout, représentable sur une scène de théâtre, une seule voie paraît possible : celle de l’humour. Il nous semble également intéressant de pouvoir ainsi s’adresser au plus grand nombre tout en présentant un matériau de base difficile.
Cependant, en y réfléchissant a posteriori, cette voie n’était pas qu’un choix stratégique : il était aussi tout à fait naturel tant ces textes anciens contiennent des situations qui prêtent au rire. Le comique était là, potentiellement, prêt à être exploité par le dramaturge et par le metteur en scène.
Il est parfois évident, voire trivial comme dans cette scène où la divinité Ame no Uzume entreprend ce qui est sans doute le premier strip-tease de l’humanité. Il est parfois plus insidieux et se glisse dans la personnalité des personnages comme cette divinité Susanoo qui passe souvent pour une divinité maléfique alors qu’il est plutôt un personnage truculent, sanguin, prompt aux excès et finalement profondément humain.
In fine, nous avons abouti à un hybride peut-être bien maladroit, mêlant l’humour à un désir d’authenticité.
Toutes les cultures ont élaboré un ensemble de croyances religieuses qui expliquent la création du monde. Le Japon des temps anciens possédait vraisemblablement un vaste ensemble chaotique de mythes qui variait de régions en régions, de clans en clans, mais au XVIIIe siècle, afin de mieux assoir et légitimer son régime, un empereur décida de compiler et de coucher par écrits ces mythes. Ces textes, le Kojiki et le Nihonshoki sont parmi les plus anciens documents écrits qui sont venus jusqu’à nous.
Il n’y a guère de doutes que cette histoire de la création du monde par des divinités en tout genre a été adaptée à des fins politiques. Notamment, il fallait d’une façon ou d’une autre rattacher la lignée impériale, qui alors s’imposait dans la difficulté sur les autres clans, aux divinités créatrices du Japon et de l’univers. On sait plus tard que ce rattachement servira de nouvelles idéologies nationalistes, lorsqu’il s’agira de constituer un État-Nation moderne autour de l’Empereur et de se positionner vis-à-vis des puissances occidentales (voir article « le Kojiki et le nationalisme au Japon »).
Ces textes forment donc une vue subjective, parcellaire d’un plus vaste ensemble mythologique. Le fait que de larges parties sont irrémédiablement perdues dans les limbes de l’Histoire est sans aucun doute bien frustrant pour l’historien et le spécialiste en études religieuses, mais pour ce qui nous concerne, le peu qui a été sauvé de l’oubli forme un matériau théâtral de premier choix.
Plus linéaire que la mythologie gréco-romaine qui a moins subi ce traitement politique, il comporte une trame en plusieurs générations qui jette les bases d’une dramaturgie : les créateurs primordiaux Izanagi, Izanami ; le « couple » organisateur Susanoo/Amaterasu ; puis les divinités plus proches du monde des humains Sarutahiko, Okuninushi.
La mythologie japonaise continue alors en passant de l’âge des divinités à l’âge des humains : les Empereurs étant d’essence divine, il y a d’une certaine façon continuité. Mais nous choisissons de nous arrêter à la descente du petit-fils de la déesse du soleil, Amaterasu, dans le monde des Humains.
– 2 –
Malgré la présence de cette trame que l’on peut suivre pour construire un récit théâtral, l’adaptation d’une cosmogonie dans laquelle une multitude de divinités intervient oblige à élaguer, à simplifier et à faire des choix.
Dans le même temps se pose la question de la réceptivité d’un tel texte pour un public francophone pas nécessairement aux faits de la culture ancienne japonaise. Certains raccourcis, qui auraient été possibles pour une adaptation japonaise, ne peuvent plus fonctionner. Pis, il est parfois nécessaire d’expliquer au-delà même du texte afin d’en transmettre le sens.
Nous avons choisi de tenter le grand écart en suivant le sens du texte au plus près tout en en facilitant l’accès à un public non spécialiste. L’écriture a nécessité un important travail bibliographique sur les études historiographiques de ces anciens écrits afin de pouvoir, justement, extraire le sens profond (religieux, sociologique, ethnologique…) sans devoir coller à la forme et au matériau textuel qui parfois flirte avec une grivoiserie proche de celle d’un Roman de Renart, par exemple. (voire bibliographie).
Afin de rendre la chose possible et, surtout, représentable sur une scène de théâtre, une seule voie paraît possible : celle de l’humour. Il nous semble également intéressant de pouvoir ainsi s’adresser au plus grand nombre tout en présentant un matériau de base difficile.
Cependant, en y réfléchissant a posteriori, cette voie n’était pas qu’un choix stratégique : il était aussi tout à fait naturel tant ces textes anciens contiennent des situations qui prêtent au rire. Le comique était là, potentiellement, prêt à être exploité par le dramaturge et par le metteur en scène.
Il est parfois évident, voire trivial comme dans cette scène où la divinité Ame no Uzume entreprend ce qui est sans doute le premier strip-tease de l’humanité. Il est parfois plus insidieux et se glisse dans la personnalité des personnages comme cette divinité Susanoo qui passe souvent pour une divinité maléfique alors qu’il est plutôt un personnage truculent, sanguin, prompt aux excès et finalement profondément humain.
In fine, nous avons abouti à un hybride peut-être bien maladroit, mêlant l’humour à un désir d’authenticité.